Un. Une naissance. Une vie. Un vide. Un manque. Un sentiment de révolte. Ca fait beaucoup de "un" pour un simple petit garçon. Beaucoup d'individualité pour un petit garçon qui a désespérément besoin d'un tout. Un. Seul. Toujours. Un enfant debout tout seul dans le noir, ses grands yeux bleus effrayés et bordés de larmes grands ouverts dans l'obscurité. Il est immobile, il ne bouge pas. Il a peur. Il attend sa mère. Il n'ose même pas pleurer. Des bruits bizarres s'élèvent un peu partout dans la maison mais il est seul dans la pénombre. Quand enfin la porte d'entrée claque, il se fourre en pleurnichant dans les jupes de sa mère. La claque ne se fait pas attendre, semble rester suspendu dans le noir. Mais qu'est-ce que tu fais encore debout ? Oscar, tu n'écoutes jamais rien ! File ! Je ne veux pas te voir ! Voir Oscar. Non, personne n'a jamais vu Oscar. Encore moins sa mère, trop occupée à prendre des tas de pillules de toutes les couleurs et à se débrouiller pour se payer tout ça. Son fils ? Son gouffre. Les enfants sont très perspicaces. Trop pour leur propre bien. Oscar voyait dans le regard de sa mère le dégoût et la colère qu'elle éprouvait à son égard. Il a fini par en ressentir du dégoût pour lui-même et par s'en vouloir de ce qu'il lui infligeait, comme s'il était un fardeau pour elle. Il savait qu'elle le considérait comme la raison pour laquelle elle avait perdu sa situation.

07.07.98, Paris Réminescence de souvenirs que le hantera pour toujours. Il était là, tenant sa mère par la main, regardant le monde du haut de ses trois ans, ses bleux curieux cherchant l'interlocuteur de sa mère. Mais elle parlait à un mur. Ou plutôt, elle parlait à un interphone. Ca n'avait pas de sens pour lui. Il n'avait que la moitié de la conversation et beaucoup de choses lui échappaient. Tout ce qu'il voyait, c'était sa mère, en larmes. Tu peux pas te comporter comme ça ! Fais-le pour lui ! [...] Oui oui, je sais que tu as une famille mais... écoutes [...] Mais c'est ton fils ! Cette histoire m'a coûtée plus qu'à toi ! Tu ne peux pas l'ignorer ! [...] S'il te plaît, je te demande simplement de le voir, rien d'autre...
Peine perdue. Oscar le savait. Il n'y avait que sa mère pour se débattre comme elle le pouvait. A cette époque, elle l'aimait et il l'aimait aussi. Et parce qu'il l'aimait, il s'était efforcé de ne jamais être triste pour son père. Il lui avait même dit ce jour-là Tu sais, j'ai pas besoin de papa. C'est pas grave. Et il le pensait, de toute la force de sa petite âme. Il était persuadé qu'il n'avait besoin de rien tant que sa mère était là pour l'aimer. Mais cette amour n'avait pas duré non. Avec le temps et l'absence de travail, la difficulté à mettre de quoi manger dans l'assiette, après des années de galère, l'amertume avait bouffé l'amour parce que ce dernier crevait de faim. Du canibalisme de sentiment. L'enfer avait rongé le paradis. Avec les beaux jours, l'amour s'était fait la malle. L'amour dure vraiment trois ans, même quand on est mère. Finalement il existe des choses plus fortes que l'amour d'une mère: la haine de cette dernière.